Le Monde 4 novembre 2009
Jeff Madrick a longtemps été conseiller économique du sénateur Ted Kennedy. Collaborateur de la New York Review of Books, il dirige le Centre d'analyse des politiques économiques de l'université New School de New York.
Quand vos doutes vis-à-vis de M. Obama sont-ils apparus ?
Lorsqu'il a nommé ses premiers conseillers et responsables des grands dossiers. Rahm Emanuel, Larry Summers, Hillary Clinton, Richard Holbrooke... C'était solide, mais il n'y avait pas là une seule personne représentant un souffle de nouveauté. Puis, très vite, Obama a opté pour le compromis sur le plan de relance économique. Les réductions d'impôts pour plaire aux républicains, presque 40 % du montant total, étaient bien trop importantes par rapport à l'investissement public direct. Ces restitutions fiscales n'ont pas été réinjectées dans l'économie, mais utilisées à régler des dettes. A chaque fois, Obama privilégie l'option " basse " du moindre risque politique. Lorsqu'il a abandonné toute velléité de réguler les marchés financiers en profondeur, cela a été le coup de grâce.
A quoi faites-vous référence ?
Le 14 juin, l'administration a publié un document intitulé " La réforme de la régulation financière : une nouvelle fondation ". Il résumait son bilan de la crise et les mesures qu'elle comptait prendre. Tout avait été fait pour rendre ce texte le plus neutre possible. Au lieu d'identifier clairement les motifs-clés de la crise financière, ce document établit une liste d'innombrables facteurs qui l'auraient déclenchée. Si la crise a 50 raisons, c'est qu'aucune n'est prépondérante et qu'on rechigne à dégager des priorités. Ce document, dénué de rigueur intellectuelle et opérationnelle, propose 50 " mesurettes " qui visent à ne pas fâcher Wall Street. Il est incapable d'affronter les lobbyistes de la finance qui pullulent au
Congrès.
A quoi attribuez-vous cette attitude ?
J'aime bien la personne d'Obama. Il sort vraiment de l'ordinaire. Mais je commence à penser qu'il a une forme d'arrogance : il croit peut-être qu'il a eu besoin de l'opinion pour se faire élire, mais que maintenant il peut à lui seul tout maîtriser.
Qu'aurait-il dû faire qu'il n'a pas fait depuis son élection ?
Mener une autre politique vis-à-vis du secteur financier. Certes, réguler exige des accords internationaux. Mais les Etats-Unis auraient pu montrer la voie : mettre en place des incitations aux placements plus sécurisés et un contrôle strict sur les produits dérivés ; imposer le desserrement du crédit aux PME. Mais Obama s'est entouré de gens qui s'y refusent. Il n'est pas possible de rétablir tel quel le Glass-Steagall Act - loi séparant les activités de banque commerciale et d'investissement, instaurée en 1933 par le président Roosevelt et abolie en 1999 sous l'administration Clinton - . Mais une nouvelle loi bancaire moderne est impérative.
De même, presque rien n'a été fait pour réorganiser et mieux armer le bras des organes de contrôle. La crise a laminé la réputation de la SEC - Securities & Exchange Commission, contrôleur des marchés boursiers - et des agences de notation. Mais on n'y a quasiment rien changé. Idem pour le contrôle des fonds spéculatifs - hedge funds - . Si on n'impose pas aux acteurs des marchés des exigences strictes de transparence, des normes de capitalisation et de liquidités disponibles obligatoires, rien de fondamental ne changera. Je suis aussi très inquiet quant au grand engagement de campagne d'Obama : réformer la couverture santé des Américains.
Que craignez-vous ?
On ne sait pas quel plan sera adopté in fine, mais le président donne l'impression d'être disposé à se satisfaire de demi-mesures. Politiquement, il agit comme un arbitre, pas comme une force motrice du changement.
C'est là votre principale déception ?
Je ne sais plus si Obama est décevant ou s'il n'y a pas lieu d'être déçu, ce qui serait pire. J'en arrive à me demander si cet homme a de vraies convictions. Le cas de la politique en Afghanistan est typique. Il ne parvient pas à décider, et cherche systématiquement une voie médiane, y compris lorsqu'elle est sans issue. Quant à l'économie, je crains qu'il soit réellement persuadé que les gens de Wall Street détiennent les solutions. Lui et ses conseillers ne pensent pas que pour " changer " l'Amérique, ils devront aussi engager le fer avec eux.
Propos recueillis par S. C.
© Le Monde
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